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JUIN 1769

qu’ils leur accordent, semblent autoriser une partie de leurs sujets à égorger l’autre.

Il est certain que les raisonnemens de Crellius sont simples, clairs, méthodiques et pressans ; que le style du traducteur, quoique inégal et semé de disparates, est en général plein et nerveux, et qu’à la lecture de ce traité le glaive doit tomber des mains de tout fanatique susceptible d’être encore rendu aux lumières de la raison, et dont le cœur n’est point impénétrable aux sentimens de l’humanité.

18. — Extrait d’une lettre de Bouillon,
du 10 juin 1765.

« Rien de plus singulier, de plus louable que la fortune de M. Pierre Rousseau, de Toulouse, qui, d’auteur médiocre et méprisé à Paris, est devenu un manufacturier littéraire très-estimé et très-riche. Il préside, comme vous savez, au Journal encyclopédique, à la Gazette salutaire et à la Gazette des Gazettes ou Journal politique, etc. Vous ne sauriez croire, Monsieur, combien ces trois entreprises lui rendent pour le concevoir, imaginez qu’il est à la tête d’une petite république de plus de soixante personnes, qu’il loge, nourrit, entretient, salarie, etc., dans laquelle tout travaille, sa femme, ses enfans, sa famille ; que le manuscrit, l’impression, la brochure, la reliure de ces ouvrages périodiques se font chez lui, et que, malgré les frais énormes de cette triple production, il met encore vingt mille francs net de côté, au point d’être aujourd’hui en marché d’une terre de cent quatre-vingt mille livres qu’il est à la veille d’acheter, et qu’il compte payer argent comptant. »

19. — En attendant que les querelles qui agitent le