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MÉMOIRES SECRETS

pressé que de courir à son secrétaire : elle lui déclare qu’il n’y trouvera plus d’argent, que la justice prétendue s’est emparée de tout. Le malheureux juge à l’instant qu’il est volé, et se livre à tout le désespoir qu’on peut imaginer. On est à la recherche de ces mauvais plaisans.

31. — On voit au Louvre une table volante, merveilleuse par sa construction ; elle doit être placée à Trianon, et est bien supérieure à celle de Choisy, par la simplicité du mécanisme. Elle s’élève comme celle-là, du fond du parquet, couverte d’un service, avec quatre autres petites tables, appelées servantes, pour fournir aux convives les ustensiles dont ils ont besoin, et se passer d’officiers subalternes autour d’eux. Elle redescend avec la même facilité, et, dans l’intervalle où on la recouvre, des feuilles de métal remplissent le vide et forment une rose très agréable au coup d’oeil. Cette machine est du sieur Loriot, artiste connu par plusieurs secrets, et surtout par celui de fixer le pastel.

I er Juin. Tout ce qui sort de la plume de M. de Voltaire est recherché avec une telle avidité qu’on ramasse jusqu’à ses moindres chiffons. On en pourra juger par la lettre[1] suivante, qui, écrite par un autre, n’aurait pas fait la moindre sensation, et n’a de recommandable que le nom de son auteur et de celui à qui elle est adressée, M. l’abbé de Voisenon, dont la modestie a été obligée de céder à l’avidité de ses amis, et de laisser prendre copie de ce billet cavalier :

« Mon cher confrère le grand-vicaire de Boulogne et évêque de la bonne compagnie prendra, s’il lui plaît, en gré qu’un vieux solitaire du diocèse d’Annecy lui demande sa bénédiction, sa protection dans la sainte Église,

  1. Elle ne se trouve pas dans les Œuvres de Voltaire. — R.