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MÉMOIRES SECRETS

tain qu’un Académicien n’aurait pas dû se permettre la hardiesse de cette métaphore, qui n’offre, à ceux qui lisent ce vers sans prévention, qu’une figure puérile, et qui ne valait pas la peine de se livrer à une plaisanterie. Il devait prévoir combien il serait aisé de la transformer en impiété et en blasphème[1].

18. — Le public est partagé sur Lucile, nouveauté qui fait grand bruit. Les uns la proscrivent comme un roman nul, froid, triste, et ne roulant que sur une intrigue remaniée dans plusieurs autres et dans diverses pièces de théâtre : d’autres en sont enchantés, y trouvent un intérêt pressant, en admirent le dialogue et les détails, où ils croient reconnaître le talent du courtisan le plus aimable. On s’intrigue beaucoup, au reste, pour en constater l’origine. Il paraît que cet ouvrage appartient décidément a M. Marmontel et au duc de Nivernois ; que le premier en a fait la charpente, qui n’est pas ce qu’on y trouve de plus merveilleux, et que le second l’a décoré de toutes les beautés qu’il sait prodiguer avec un goût et des grâces qui n’appartiennent qu’à lui. Ce n’est que comme cela qu’on peut expliquer la modestie des auteurs de ce drame qui, malgré son succès le plus décidé, s’obstinent à garder l’anonyme.

19. — M. de Trudaine, intendant des finances, vient de mourir, après une maladie de langueur longue et douloureuse. Les regrets du public sont le plus grand éloge qu’on en puisse faire. La partie des chemins et celle des manufactures du royaume lui doivent beaucoup.

  1. L’Épître dont il s’agit fut adressée par Saurin à Voltaire à l’occasion des attaques dirigées par ce dernier contre Montesquieu dans l'A B C, Dialogue curieux, (V. 12 décembre 1768.) Elle n’a point été recueillie dans les Œuvres de Saurin. — R.