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JANVIER 1769

chés qu’il se répande en complimens, en suppliques, dans des circonstances ou son ame devrait se soulever d’indignation contre des juges qu’il ne reconnaît pas et qui semblent épuiser toutes les subtilités de leur art perfide pour le surprendre et le faire tomber en contradiction. Les partisans de M. de La Chalotais attribuent à modération et à douceur ce que les autres prennent pour un défaut de cette fermeté qu’il témoigne si grande dans ses Mémoires et lorsqu’il est calmé par la réflexion. Cela prouve combien cette qualité est rare, même dans les plus inflexibles personnages ; que l’innocence peut être intimidée, et qu’un grand cœur tremble quelquefois à la vue du tribunal le plus inique et le plus illégal. Du reste, les notes répandues dans cet ouvrage sont ce qu’il y a de plus sanglant. MM. de Flesselles, d’Aiguillon, de Calonne, Le Noir, etc., y sont traités d’une façon très-méprisante. Il y en a surtout une sur la naissance du premier, qu’il voudrait racheter pour bien de l’argent, mais encore moins infamante que les noirceurs et les atrocités qu’on attribue aux autres. Indépendamment des principaux agens de ce mystère d’iniquité, on attaque une infinité de méchans subalternes, qu’on accuse de s’être prêtés, par une complaisance criminelle et aveugle, à toutes les manœuvres qu’on a voulu faire jouer. Il ne parviendra peut-être pas à la postérité de monument plus effrayant que ce livre, de l’iniquité du siècle et de la dépravation du cœur humain.

16. — Une Épitre de M. Saurin à M. de Voltaire fait grand bruit par l’indignation des dévots soulevés contre lui. Ils se récrient contre son audace d’assimiler un poète à la Divinité, et la transsubstantiation du Fils de Dieu, aux faiblesses de l’humanité de M. de Voltaire. Il est cer-