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MÉMOIRES SECRETS

triste tableau des malheurs de la France et du désordre de ses finances. Les Itératives remontrances sont surtout remarquables par la multiplicité de faits qu’elles contiennent, dénués de tout l’accessoire d’une éloquence frivole et de ces lieux communs qui énervent la vérité, qu’on ne saurait montrer en pareille occasion avec trop de force et d’austérité. On attribue ces deux chefs-d’œuvre à M. l’abbé Terrai, qu’on a regardé jusqu’à présent comme un membre trop voué à la cour. Ce trait de vigueur et de patriotisme lui a valu un compliment qui court dans les cercles et que chacun répète avec plaisir. M. Pierron, premier substitut de M. le procureur-général, étant allé voir ce Démosthènes, peu après les phrases d’usage : « M. l’abbé, lui a-t-il dit, je viens vous demander votre amitié pour cette année, mais non votre protection. » M. l’abbé a senti la finesse de cet éloge, qui fait honneur à ces deux bons citoyens et serviteurs du roi.

15. — Le Procès de M. de La Chalotais[1], quoique proscrit avec la plus grande solennité et prohibé sous les peines les plus sévères, se répand malgré son volume. Les curieux le lisent avec avidité, non à raison du fond, très-sec, très-monotone, et ne roulant que sur des pièces de forme et de procédure qui ne prêtent à nulle éloquence, mais à cause de l’intérêt qu’on prend aux personnages, de la tournure nouvelle des interrogatoires, et d’un complot réfléchi, qu’on prétend y trouver, de convertir en coupables des gens innocens. On ne peut dissimuler que le procureur-général ne gauchisse quelquefois, et qu’il ne montre pas toute cette dignité que devraient lui donner, même sur la sellette, sa qualité et la pureté de sa conscience… Quelques lecteurs sont fâ-

  1. V. 24 décembre 1768. — R.