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DÉCEMBRE 1768

sur son ami, et que le poète ornera de fleurs l’urne de ce philosophe.

12. — Le roi vient de donner quatre mille livres de pension au sieur Goldoni, appelé en France depuis plusieurs années par les Comédiens Italiens, pour soutenir leur théâtre, et depuis nommé pour apprendre à Mesdames la langue dans laquelle il a donné des drames si intéressans, et qui l’ont fait surnommer le Molière d’Italie. Il est certain que cet auteur, très-inférieur au Français du côté de la force des caractères, de l’énergie des situations, de la finesse de l’intrigue, de la gaieté soutenue de ses personnages, est admirable pour le naturel du dialogue, l’exactitude des détails et l’imbroglio que sa nation entend si bien.

13. — Le mémoire dont on a parlé[1], en faveur des coiffeurs de dames de Paris, a été supprimé, comme indigne de la majesté du tribunal où était portée l’affaire. Les coiffeurs ont gagné en plein contre les perruquiers, et cette fois-ci les Grâces ont triomphé du monstre de la Chicane. Toutes les élégantes de ce pays-ci avaient pris un grand intérêt au procès, et formé les sollicitations les plus puissantes.

14. — Quoique les diverses Remontrances du Parlement sur les édits bursaux, enregistrés au lit de justice, ne soient pas imprimées, Messieurs en laissent transpirer des copies pour que la nation apprenne au moins jusqu’à quel point s’est enflammé le zèle de cette compagnie dans une crise importante où il était si essentiel de ne pas prêter son ministère à cet enregistrement, et de conserver les bornes prescrites par son arrêté vigoureux. Les peuples lisent avec avidité ce double ouvrage,

  1. V. 8 janvier 1769. — R.