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DÉCEMBRE 1768

par son intelligence ; en un mot, par toutes les qualités qui constituent la grande actrice, et qui peuvent faire oublier celle qu’elle remplace. Elle surpasse déjà de bien loin mademoiselle Dubois, et sera sans contredit bientôt la première de ce spectacle, si elle continue avec le même succès. Ce début attire un monde étonnant aux Français et tient lieu d’autre nouveauté. Le drame d’Hylas et Sylvie passe à la faveur de ce concours et continue à se jouer. Il est vrai que les spectateurs s’échappent à cet le pièce.

22. — On parle beaucoup de la taille supérieure et de la vaste corpulence de l’envoyé de Maroc, passant ici pour aller en Hollande. Les talens cachés du fortuné Musulman répondent à ce bel extérieur, si l’on en croit le bruit des coulisses et des ruelles. On cite des filles qui ont reçu vingt-deux fois dans une nuit les embrassemens de ce favori de Mahomet. Une telle renommée le rend encore plus recommandable dans cette capitale, et les femmes, en le voyant, ne demandent point comment, peut-on être de Maroc[1], mais elles s’écrient : « Ah ! qu’on est heureux d’être de Maroc ! »

23. — Les Comédiens Italiens ont donné hier la première représentation d’un drame nouveau qui a pour titre : le Fleuve Scamandre, C’est une comédie en trois actes et en vers, mêlée d’ariettes. Les paroles sont du sieur Renout, et la musique de la composition du sieur Barthelemon. Rien de plus plat, de plus mal tourné, de plus insipide que le poème, qui déshonore absolument le conte de La Fontaine dont il est tiré. La musique n’a pas paru de beaucoup supérieure ; il y a cependant quelques airs de symphonie qui ont plu aux amateurs.

  1. Voyez la XXXe des Lettres Persanes. — R.