Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/374

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
370
MÉMOIRES SECRETS

des présens magnifiques, et ont été traités avec la plus grande générosité.

6. — Le roi de Danemark est allé samedi visiter les trois Académies. C’était le jour des séances ordinaires de celle des Sciences et de l’Académie Française. Celle des Belles-Lettres, avertie dès la veille, avait délibéré et arrêté d’en tenir une extraordinaire le même jour pour recevoir cette Majesté.

Ce prince a été d’abord introduit à l’Académie Française, qui l’a reçu absolument à huis-clos, et sous le manteau de la cheminée. On a trouvé singulier qu’elle ne se soit pas mise in fiocchi, et dans sa salle d’apparat et de grand cérémonial. M. l’abbé Batteux, directeur, a ouvert la séance par une harangue à ce monarque, dont le lecteur conçoit d’avance toute la teneur. Il serait difficile de donner du nouveau après les éloges innombrables dont tous les lieux publics ont retenti en sa faveur. Le fonds ni la forme n’avaient rien de saillant. Ce prince, après avoir essuyé le compliment de prose, a été obligé d’en entendre un en vers de M. l’abbé de Voisenon, poète quelquefois agréable, mais souvent précieux et inintelligible. Il s’est surpassé cette fois-ci en galimatias, et ses plus chers partisans ne peuvent se dispenser de le reconnaître. C’est ce qu’on appelle du jargon académique dans toute la force du terme. M. le duc de Nivernois, en courtisan délicat, s’est servi de son talent pour l’apologue. À la faveur de ce travestissement, il a fait goûter au monarque ses louanges ingénieuses. Il a lu trois fables, dont une, le Roi voyageur, était proprement celle du jour, et a fait le plus grand plaisir. Ces pièces lues, on a fait voir au roi de Danemark les portraits de ces messieurs, dont est décoré leur cabinet d’assemblée. On y