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MÉMOIRES SECRETS

et le plus honnête. Ce monarque revenait de Fontainebleau : en passant à Essonne, une foule de peuple l’entoure, et se met à crier : Vive le roi ! Ce prince se met à la portière, et d’un air affable il s’écria : « Mes enfans, il se porte bien ; je viens de le voir. »

22. — On a oublié de parler de M. l’abbé Mangenot, mort le mois dernier. Ce poète aimable mérite bien qu’on jette quelques fleurs sur son tombeau. Dès l’âge de dix-huit ans il avait concouru, sans le savoir, pour le prix de l’Académie des Jeux Floraux, et le remporta. Son oncle Palaprat avait envoyé sa pièce, et ne lui lit part de sa démarche qu’en lui annonçant le succès. Il fut peu sensible à ce triomphe : il préférait le plaisir de jouir, à la gloire de vivre chez la postérité. Il faisait des vers, plus par besoin que par désir de la célébrité. Aussi ne connaît-on guère d’imprimé de lui que la fameuse églogue couronnée dont on vient de parler. Ses ouvrages sont dans les porte-feuilles de ses amis. Ce sont de petits riens, des épigrammes, des madrigaux, des chansons, dont certains auteurs à prétention se seraient élevé un grand trophée, mais que celui-ci oubliait dès qu’il les avait faits. Il était attaqué depuis dix-huit ans d’une paralysie, qui semblait ne lui avoir laissé de libre que l’esprit. Il avait conservé dans cet état son aménité, sa gaieté et sa philosophie. Il était prêtre et chanoine du Temple. Il est mort doucement, comme il avait vécu, âgé de soixante-neuf ans. Il est à souhaiter qu’un homme de goût ramasse ses productions légères, et les réunisse en recueil. Tout ce qu’il a fait est marqué au coin de la naïveté et des grâces. Il était idolâtre des femmes, et semblait ne travailler que pour plaire à cette partie du genre humain.