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NOVEMBRE 1768

pour épouser Walrade, sa concubine. Le pape Nicolas Ier, pour faire sa cour aux deux oncles du prince, qui ne cherchaient qu’à envahir ses États, excommunie Lothaire, en cas qu’il ne renonce pas à Walrade. Après la mort de Nicolas, Adrien II se laisse fléchir aux prières de Lothaire, qui vient à Rome lui demander son absolution. On sent qu’il a fallu changer absolument le caractère de ce roi, et lui donner la fermeté qu’ont déployée depuis des princes plus instruits de leurs droits et moins accablés sous le joug de la superstition. Dans cet ouvrage, très-propre à détromper le vulgaire stupide, les excès de la cour de Rome sont représentés avec un pinceau mâle et énergique, et la poésie sert ici d’organe à la raison, Les argumens les plus victorieux y sont ornés de toutes les richesses d’une imagination brillante, et n’en doivent que faire un effet plus sûr et plus général. Quant à la partie dramatique, quoiqu’il y ait beaucoup de défauts dans cette tragédie, on ne, peut refuser à l’auteur un grand talent. Le caractère de Walrade annonce combien il a l’âme tendre et sensible. C’est sans contredit le plus beau de la pièce : il produit le plus grand intérêt. Arsène, légat du pape, réunit en lui la fougue de Boniface VIII avec l’austérité d’Innocent XI. Il étale toutes les maximes qui sont encore le code de la politique ultra-montaine. Elles sont réfutées par toutes celles qu’on leur oppose victorieusement, et que l’auteur met dans la bouche du roi, dans celle d’un Raymond, duc d’Aquitaine, personnage épisodique, mais utile à l’intrigue et tenidant au développement, dans celles de tous les autres personnages, dont l’humanité réclame plus ou moins contre ces abominables principes, et qu’ils détestent en les observant, frappés de cette terreur irrésistible que la