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MÉMOIRES SECRETS

mité, mais que la décence ne permet pas de laisser glisser sur un théâtre. Comme il y en a beaucoup qui tiennent aux circonstances, aux gestes, aux attitudes, à l’ensemble de la scène, M. de Sartine a exigé qu’il y eut une répétition sous ses yeux, et il jugera lui-même ce qu’il peut y avoir de répréhensible.

13. — Dans la fête que madame la duchesse de Mazarin a donnée au roi de Danemark, une femme de la compagnie lui chanta, pendant le souper, le couplet suivant :

Un roi qu’on aime et qu’on révère
N’est étranger dans nuls climats :
Il a beau parcourir la terre,
Il est toujours dans ses états[1].

— On voit ici une lettre de Paoli, digne des anciens Romains. Il s’y explique en termes les plus nobles, les plus patriotiques et les plus forts sur l’invasion de la France, qu’il regarde comme une entreprise contraire au droit des gens et à tous les principes de l’humanité. Il invoque la foudre vengeresse et déploie cette éloquence dont est toujours armé un grand homme quand il parle d’après son cœur.

14. — Il est parvenu enfin ici quelques exemplaires du Royaume mis en interdit[2], tragédie qui n’était encore connue en France que par la brûlure dont elle avait été illustrée à Rome. L’auteur, qu’on dit être un jeune Genevois de la plus grande espérance, a pris pour sujet un trait de notre histoire. En 863, Lothaire, roi de Lorraine, descendant de Charlemagne, répudie sa femme

  1. Ce quatrain est de Chamfort et termine une pièce de vers qu’une actrice, déguisée en bohémienne, chanta au roi de Danemark. — R.
  2. V. 12 septembre 1768. — R.