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OCTOBRE 1768

nait très-bien avoir vu le Czar à sa cour, quoiqu’il n’eut alors que sept ans, et que cette réception ne lui serait pas moins flatteuse. Ensuite Sa Majesté Danoise ayant demandé à aller chez monseigneur le Dauphin, s’y rendit vers les huit heures, et alla souper avec le roi. Les deux monarques avaient avec eux vingt-quatre dames de la cour, les plus brillantes et les plus choisies. Sa Majesté Danoise déclara qu’elle n’avait jamais vu réunis tant de grâces et tant de charmes. Le lendemain M. le duc de Choiseul lui donna à souper, et le surlendemain elle mangea encore avec le roi. Le jeudi, étant repartie pour Paris, M. le duc de Duras fit jouer chez lui, devant elle, la pièce de la Partie de Chasse de Henri IV. Tous les jours on executera aux différens spectacles les drames que demandera cette Majesté, et sur l’affiche on mettra : Par ordre.

Entre les bons mots de ce monarque, on en cite un qui indique la vivacité de ses réponses et sa facilité pour les saillies. Dans son passage par la Hollande, un seigneur de ce pays-là lui présenta une généalogie par laquelle il prétendait lui appartenir. « Mon cousin, lui dit le roi, je suis ici incognito, faites de même. », Dans son entrevue avec le roi, Sa Majesté, en parlant de la disproportion d’âge qui était entre eux, lui dit : « Je serais votre grand-père. — C’est ce qui manque à mon bonheur, » répondit avec effusion Sa Majesté Danoise. On ne peut omettre encore un mot de Louis XV, qui indique toute la sensibilité de son âme et combien il aime ses peuples. Le roi de Danemark, après avoir visité toute la famille royale, dit au roi, qui parlait des pertes qu’il avait faites, que la famille nombreuse qui lui restait était un dédommagement bien précieux : « J’en ai une