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MÉMOIRES SECRETS

intitulé : Clovis. À cette petite ruse et à ce persiflage on reconnait M. de Voltaire ; mais encore mieux à l’ouvrage même où ce grand poète se retrouve tout entier. Rien de plus philosophique et de plus mâle. Dans ce dialogue l’homme prétend établir sa supériorité sur les bêtes, et il est obligé de reconnaître à chaque réponse son infériorité. L’auteur prouve que le droit du plus fort est le seul droit de la nature, et il embellit son raisonnement de toutes les richesses de la plus brillante poésie. Il est dommage que M. de Voltaire, trop indulgent à son génie caustique, y ait joint quantité de notes peu convenables à un ouvrage aussi grave, ou il s’efforce de faire rire le lecteur par le ridicule qu’il jette à son ordinaire sur des passages de l’Écriture sainte.

27. — Les curieux ont tenu un journal exact de la marche et des propos du roi de Danemark, qui marque beaucoup d’esprit dans ses réponses. Les circonstances les plus essentielles de cet itinéraire sont celles de son entrevue avec le roi. Après être descendu au chateau à l’appartement de feu madame la Dauphine, et le roi étant prêt à recevoir ce monarque, Sa Majesté Danoise se rendit dans le cabinet du roi. Elle était accompagnée des ministres, des seigneurs de sa suite, du duc de Duras, premier gentilhomme de la chambre du roi, et du duc de Choiseul, ministre et secrétaire d’État, ayant le département des affaires étrangères. Il y avait deux fauteuils dans le cabinet du roi. Les premiers complimens faits, le roi pressa son frère de s’asseoir : il s’en défendit, et demanda à rester debout. Il renouvela de vive voix sa satisfaction de voir le plus grand potentat de l’Europe. Le roi, de son côté, témoigna qu’il regardait cette époque comme remarquable dans son règne ; qu’il se ressouve-