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MÉMOIRES SECRETS

si elle mériterait d’être présentée au roi de Danemark. On ne sait si elle conviendra à cette Majesté, mais le public a semblé ne la pas trouver digne de lui. L’auteur de la musique se nomme, et est connu de tout le monde. C’est M. de La Borde, premier valet de chambre du roi, amateur aussi distingué qu’auteur médiocre. Quant aux paroles, on les attribue au sieur Le Monnier, secrétaire de M. le comte de Maillebois, sous le nom duquel ont déjà paru au théâtre, le Cadi dupé et le Maître en droit, que les gens au fait des anecdotes savent être de son maître. On serait tenté de laisser ce drame-ci au prête-nom, comme indigne des deux autres. L’esprit et le goût des lettres est héréditaire dans la famille de Maillebois. On a déjà parlé[1] de M. le baron de Châteauneuf, oncle de celui-ci, qui, dans un âge très-avancé, cueille encore des fleurs sur le Parnasse. Son neveu marche sur ses traces, et ne pouvant, dans la paix, ceindre les lauriers de Mars, se couronne de ceux d’Apollon.

20. — M. l’abbé de Langeac, cet Alexandre littéraire, dont la vaste ambition voudrait, dès l’age le plus tendre, envahir toutes les couronnes académiques, vient de faire imprimer un Éloge de Corneille, qui a concouru pour le prix de l’Académie de Rouen. Ce discours en prose n’annonce pas encore dans ce jeune candidat un orateur plus grand que le poéte. Il est décousu, sans cohérence dans le plan, sans suite et sans-progression dans les idées. Le style en est dur, boursouflé, plein d’images gigantesques et puériles. Il paraît que l’Académie de Rouen a eu plus de pudeur que Académie Française, et n’a pas osé couronner cette médiocre production. Il est fâcheux que

  1. V. 26 aout 1768, — R.