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OCTOBRE 1768

lecteur indigné serait tenté de rejeter et de fouler aux pieds un pareil libelle, s’il n’était malheureusement qu’un extrait succinct de tout ce qu’on trouve épars dans l’histoire. On sent qu’un pareil ouvrage était digne de la plume de M. de Voltaire. Aussi l’y reconnaît-on facilement. On ne peut qu’admirer l’art avec lequel ce grand historien sait égayer cette terrible matière, et rapprocher quantité d’anecdotes également rares et curieuses.

10. — M. l’abbé d’Olivet, de l’Académie Française, tombé en apoplexie-paralysie, il y a deux mois, et qui, malgré son age de quatre-vingt-sept ans, a lutté depuis ce temps contre la mort, vient enfin de succomber après cette belle défense. Ce personnage, vraiment académique, est une perte d’autant plus grande, qu’il travaillait dans un genre peu à la mode aujourd’hui et qu’on semble mépriser. Ses traductions de Cicéron, regardées comme un chef-d’œuvre dans leur espèce, lui procureront une gloire, sinon brillante, du moins solide et durable, chez la postérité qui en recueillera les avantages. Quant à la partie grammaticale de ce savant, quoiqu’il n’approchât pas de la métaphysique lumineuse des Girard et des Dumarsais, il avait sur cette matière un génie de discussion pur, exact et correct. En général, il avait plus de bon sens et de précision que de finesse et de légèreté. Il ne manquait pourtant pas d’un certain esprit ; mais surtout il avait une mémoire prodigieuse, qui le servait à propos et le faisait briller avec celui des autres au défaut du sien.

11. — M. Bernard, secrétaire du gouverneur de Choisi, et appelé, par excellence, le Gentil-Bernard, nom que lui a donné M. de Voltaire et qui lui est resté, a obtenu du Gouvernement un terrain qu’il a approprié avec beaucoup de goût et d’élégance. Il a fait des devises en vers