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MÉMOIRES SECRETS

d’athlètes dignes d’eux, sont malheureusement restés maîtres du champ de bataille. Aujourd’hui, que ces incrédules regardent leur ouvrage comme bien avancé, qu’ils attendent du bénéfice du temps, que la lumière gagnant de proche en proche, dissipe totalement la nuit des préjugés, de l’ignorance et de la superstition, ils attaquent leurs adversaires dans leurs derniers retranchemens : ils prétendent prouver que la politique n’a aucun besoin de la religion pour le soutien et le gouvernement des États. C’est contre cette assertion si ancienne, si répandue, et que les défenseurs du christianisme, poussés à bout, opposent pour dernier argument, qu’ils réunissent aujourd’hui leurs forces, et qu’ils semblent préparer un corps d’ouvrages dont plusieurs pénètrent déjà dans ce pays-ci. Tel est le livre intitulé la Contagion sacrée, ou Histoire naturelle de la superstition[1]. On le prétend traduit de l’anglais d’un M. Jean Trenchard, qui le publia en 1709, sans nom d’auteur. Le résultat de ce traité est que la crainte fut l’origine des religions ; qu’on remarque dans toutes un génie superstitieux, mélancolique, sinistre, apocalyptique, qui, de leurs sectateurs, ne peut faire que des citoyens mous, tristes, lâches, sans énergie ; qu’elles ne sont bonnes qu’a favoriser le despotisme, et à le détruire ensuite, s’il veut secouer le joug de la servitude des prêtres ; que leur morale est tout-à-fait étrangère, opposée même à celle de la nature, la seule sur laquelle puisse se fonder et se maintenir une société. En un mot, qu’elles sont toutes par essence fausses et intolérantes, et qu’un monarque qui veut travailler à son bonheur et à celui de ses peuples, ne doit


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  1. Composé par le baron d’Holbach, Londres (Amsterdam, M.-M. Rey), 1768, 2 vol. in-8°. — R.