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MÉMOIRES SECRETS

n’est pas non plus un style fait. Il y a quelquefois de la pureté et de la noblesse, quelquefois des incorrections et des expressions basses. On a trouvé son dialogue froid, triste, langoureux ; il aurait dû réserver pour les tête-à-tête avec mademoiselle Doligny, toutes ces petites scènes dolentes, si insipides pour les spectateurs, et s’appliquer a lui-même ce joli vers de sa pièce :

L’amour-propre est causeur et l’amour est discret.

15. — On prétend que M. de Voltaire ne marche jamais sans la Bible, sous prétexte que lorsqu’on a un procès, il faut toujours avoir sous les yeux le factum de ses adversaires. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’il possède parfaitement ce livre ; il s’en est pénétré, il en est plein, il le retourne sans cesse, il le dépèce pour enrichir ses ouvrages, mais à sa manière, et non sans doute comme le prédicateur, le théologien, ou le défenseur de la religion. On sait que l’Écriture-Sainte veut être lue dans la simplicité du cœur et de l’esprit ; qu’aux génies superbes elle offre souvent des ridicules, des absurdités, des barbaries, des impiétés même, et c’est ce que M. de Voltaire ne manque pas d’y trouver. On voit surtout son genre de travail dans sa Profession de foi des théistes, par le comte d’A… au R.D.P., traduit de l’allemand, opuscule où, non content de ressasser ce qu’il a répété cent fois, il cite ses propres écrits et en remet des pages entières sous les yeux du lecteur.

M. De Lisle, fameux astronome, vient de mourir le 11 de ce mois, âgé de quatre-vingt-un ans. Il était pensionnaire vétéran de l’Académie des Sciences et professeur au Collège royal. Son ardeur pour l’astronomie lui avait fait entreprendre différens voyages. Il avait été