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SEPTEMBRE 1768

perdre sans doute de leur force, les mettent cependant plus à portée de l’héroïne à laquelle est dédié ce traité et de son sexe entier. Voilà ce qui caractérise particulièrement la méthode de cet ouvrage, et la rend plus dangereuse. Dans la seconde partie, qui offre des vues plus nouvelles, l’auteur, après avoir renversé les vertus évangéliques et ce qu’on appelle la perfection chrétienne, prétend prouver que le gouvernement n’a aucun besoin de la religion pour se soutenir ; quelle lui est même nuisible ; qu’elle n’est pas plus avantageuse a ceux qui la professent ; que la morale humaine ou naturelle est la seule véritable, la seule qui nous convienne, la seule par laquelle puisse exister la société. Il veut établir et confirmer l’assertion de Bayle : « qu’une république de vrais chrétiens ne saurait subsister. » Il termine par désirer la plus grande tolérance pour les opinions des hommes. Il paraît avoir une propension secrète a l’athéisme, sans cependant se déclarer tout-à-fait, mais en cherchant à prouver que ce système n’est point absurde, et peut facilement être le résultat de notre ignorance.

L’éditeur[1], dans un avertissement, insinue que ce manuscrit, fort rare, mais connu depuis long-temps, doit avoir été composé par quelqu’un de l’École de Sceaux[2], qu’Eugénie n’est vraisemblablement pas une femme supposée, mais quelque dame de la même école ou de celle du Temple[3]. Quoi qu’il en soit, le style annonce en effet un homme du grand monde. Il y règne, en général, un ton d’ironie qui n’est pas celui du genre, mais qui caractérise assez le courtisan. L’érudition y est

  1. Naigeon. — R.
  2. Maison de Plaisance de la duchesse du Maine. — R.
  3. Demeure du duc de Vendôme. — R.