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MÉMOIRES SECRETS

rante écus de M. de Voltaire. Dans le dernier, un pauvre diable échappé de sa campagne, vient à la ville et fait fortune. Le héros de M. l’abbé Coyer, au contraire, vivait heureux dans son état d’agriculteur. Obligé de quitter sa terre par l’accroissement des impôts, il cherche à placer ses enfans dans différens arts ou métiers, et ne pouvant réussir d’aucune façon, ils finissent tous tristement. Il faut convenir qu’outre le mérite de l’invention que le philosophe ex-Jésuite doit céder au philosophe de Ferney, il y a dans le roman de celui-ci des grâces, une gaieté, une aménité et une variété dont manque absolument Chinki. L’abbé Coyer n’a qu’un seul cadre, et tourne toujours autour de la même idée. Malgré cela, le livre est fort couru, à cause des choses hardies qu’il contient et d’une censure amère du Gouvernement. Il est étonnant que l’auteur ait eu une permission tacite ; mais il n’y a pas de doute que le livre ne soit bientôt arrêté, et ne reçoive de la prohibition toute la vogue qui lui manquerait du côté de son mérite intrinsèque.

24. — M. Dudoyer de Gastel, ex-Oratorien, est depuis plusieurs années très-respectueux adorateur de mademoiselle Doligny, cette virtuose de la scène française, que ses camarades admirent beaucoup sans être assez sottes pour l’imiter. La verve de cet auteur s’est échauffée auprès de cette beauté angélique, et ne pouvant s’évaporer autrement, elle s’est condensée en un petit drame composé exprès pour y faire briller notre héroïne. Le sujet est tiré d’un conte de M. Marmontel, intitulé Laurette. On attend avec impatience la représentation d’un pareil drame, véritable production de l’amour le plus pur.

25. — La foule empressée d’assister a la séance pu-