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AOÛT 1768

objections que l’on pourrait faire, et nous donnent pour exemple de la possibilité de concilier cette indulgence avec la sûreté générale, celui de la feue impératrice de Russie#1, qui, pendant son règne, s’était impose la loi de ne point signer un arrêt de mort ; ils trouvent honteux qu’il nous vienne du Nord de pareilles leçons de morale et de législation.

17. — Mademoiselle Dangeville, cette héroïne émérite du Théâtre Français, l’amour et les délices de tous les gens de goût, a une très-belle maison de plaisance à Vaugirard. C’est là qu’avant-hier, jour de sa fête, on lui en a donné une aussi agréable que magnifique. Elle a fait l’entretien du jour. Il y a d’abord eu un dîner de dix-neuf personnes, composé en beaux esprits, de MM.  de Saint-Foix, Le Mière, Dorat, Rochon et Duclairon, tout récemment arrivé de son consulat de Hollande : en gens de la Comèdie, des demoiselles La Motte, Fannier et de madame Drouin. Le reste était des anciens amis ou amans de la maîtresse de la maison. Il ne faut pourtant pas oublier M. de Saint-Aubin, peintre, qui n’a pas le moins contribué au divertissement. À la fin du dîner, aprés avoir beaucoup tosté en l’honneur de la reine de Vaugirard, M. de Saint-Foix a commencé des couplets sur la fête : tous ses émules l’ont suivi, jusqu’à ce qu’une symphonie partie du jardin ait annoncé quelque chose de nouveau. On s’est transporté vers les lieux d’où elle s’annonçait ; on est entré dans un bosquet délicieux, où s’est trouvée la statue de mademoiselle Dangeville sous la figure de Thalie, avec tous les attributs de son art. On lisait, au bas du piédestal, un hymne de la composition de M. de Saint-Foix. On a procédé à l’inauguration[1]

  1. Élisaheth Petrowna, fille de Pierre le-Grand, — R.