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AOÛT 1768

l’avantage de la dernière. On fait figurer l’Église de Saint-Pierre vis-a-vis le Capitole, et le pape vis-à-vis les dictateurs. Sur le titre seul, et mieux encore au style, on juge aisément que cette parodie est de M. de Voltaire. Quelque rassasié que le public soit de pareilles facéties, on court toujours avec avidité aprés ses productions. On compte y trouver du nouveau, et le lecteur n’est réveillé que par le sel de l’impiété dont cet auteur assaisonne aujourd’hui tous ses ouvrages. Cette Épître aux Romains ne sera point mise au rang de celles de saint Paul, mais bien a côté de l’Épître a Uranie, digne sœur à laquelle elle mérite d’être accouplée.

14. — Quelqu’un se plaignant, devant l’abbé de Voisenon, du grand chaud qu’il faisait à Saint-Denis, celui-ci répliqua : « C’est d’autant plus étonnant que vous aviez la fraîcheur du puits. » Cette mauvaise pointe a pris dans ce pays à quolibets, et fait beaucoup parler de l’Oraison funèbre de M. Le Franc de Pompignan, évêque du Puy, qui en effet était, de l’aveu de tous les auditeurs, d’un froid à glacer.

— La république des lettres vient de perdre le sieur Deforges, mort subitement a table il y a quelques jours. C’était un auteur moins célèbre par ses opuscules que par ses malheurs. En 1749 il était a l’Opéra, lorsque le Prétendant fut arrêté. Il fut indigné de cet acte de violence ; il crut que l’honneur de la nation était compromis, et exhala ses plaintes dans une pièce de vers fort courue alors, qui commence ainsi :

Peuple, jadis si fier, aujourd’hui si servile,
Des princes malheureux vous n’êtes plus ll’asile…

Il ne put prendre sur son amour-propre de garder l’in-