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MÉMOIRES SECRETS

à l’Académie Française, M. de Voltaire avait parlé de ce livre avec le plus grand éloge. Il est a craindre que cette critique, quoique injuste, ne jette de l’amertume sur la vieillesse du president. Il y sera d’autant plus sensible, qu’une sorte d’amitié avait toujours paru régner entre les deux écrivains. On ne peut encore attribuer son incartade qu’a un de ces accés de jalousie dont est sans cesse rongé l’immortel auteur de la Henriade[1].

— Il s’éléve de toutes parts une tempête littéraire contre M. l’abbé de La Bletterie, et les différens auteurs qu’il a attaqués lui rendent avec usure les traits de satire qu’il leur a lancés. Au reste, son ouvrage prête infiniment à la censure et pour le fond et pour le style. Il aurait dû être plus modeste, et se souvenir que lorsqu’on a une maison de verre, il ne faut pas jeter des pierres dans celle d’autrui.

30. — Mademoiselle Camille est morte dans sa jolie maison de Montmartre, ou M. Cromot, premier commis des finances, lui a donné jusqu’au dernier moment les marques de l’attachement le plus tendre. Elle a expiré entre les bras de cet amant magnifique. En vertu du privilège qu’ont les Comédiens Italiens de n’être point excommuniés, cette actrice a reçu ses sacremens, et elle a été enterrée en l’église du lieu. C’est le sieur Dehesse qui, comme doyen des comédiens ses camarades, a conduit le deuil. Par les soins de M. Cromot, il s’est trouvé un : cortège magnifique au convoi ; on y comptait plus de cinquante carrosses bourgeois. Mademoiselle Camille

  1. Cette critique est intitulée : Examen de la nouvelle Histoire de Henri IV, de M. de Bury ; par M. le marquis de B***, lu dans une séance de l Académie, auquel on a joint une pièce analogue, Geneve, 1768, in-8°, La Beaumelle, selon Barbier, est auteur de cet Examen ; et pour le faire attribuer à Voltaire, il y joignit la brochure dont il a été parlé a l’article du 1er juin 1766. — R.