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MÉMOIRES SECRETS

traire à ses bienfaits. Le prince de Conti se douta de ce qui était ; il arrive chez lui, arrache son secret à Rousseau, le fait manger avec lui, assemble sa maison, et menace de toute son indignation, dans les termes les plus énergiques, celui qui manquera à cet étranger.

« Du reste, il paraît faux que ce grand homme fasse imprimer à présent ses mémoires, comme on a dit ; sa gouvernante assure même qu’il a tout brûlé. Il est revenu de la vanité d’auteur : à peine a-t-il une plume et de l’encre chez lui. Il botanise depuis le matin jusqu’au soir, et forme un herbier considérable ; il a très-peu de relations, ne lit rien, aucun papier public, et ne saura peut-être jamais que M. de Voltaire ait fait une épître où il le plaisante, »

28. — On vient de traduire en français le Marchand de Venise, un des drames les plus vantés du célèbre Shakspeare. Les Anglais le regardent encore comme le chef-d’œuvre de leur théâtre, où cette pièce a aujourd’hui tout autant de succès qu’elle en eut lors des premières représentations. Pour nous autres qui mettons d’autres conditions à un chef-d’œuvre, en convenant des beautés de détail de cette pièce, nous la regarderons dans son ensemble comme un vrai monstre dramatique. Le traducteur a conservé, autant qu’il a pu, le mérite de l’original dans sa prose forte et harmonieuse.

30. — M. l’abbé Baudeau, qui était appelé en Pologne et devait partir au mois de mai pour y mettre en pratique le système des Économistes, a changé de projet ; il se rend aux instances de M. le duc de Choiseul, qui lui fait assurer par M. l’évêque d’Orléans un bénéfice de vingt mille livres de rentes, tel que celui qu’on lui offrait dans