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MÉMOIRES SECRETS

visite. « Vous ne savez donc pas, monsieur le marquis, que M. Barthe est fou ? C’est moi qui le traite, et vous allez en voir la preuve… » Le médecin avait fait tenir prêts des crocheteurs. On monte, on ne trouve personne dans le lit ; on cherche dans l’appartement. Enfin M. Solier, comme par hasard, regarde sous le lit ; il y découvre son malade. « Quel acte de démence plus décidé ! » On l’en tire plus mort que vif. Les crocheteurs se mettent à ses trousses et le fustigent d’importance, par ordre de l’Esculape. M. Barthe étonné de cette mystification, ne sait s’il doit crier ou se taire. La douleur l’emporte, il fait des hurlemens affreux. On apporte ensuite des seaux d’eau, dont on arrose les plaies du pauvre diable. Puis on l’essuie, on le recouche : et son adversaire émerveillé se frotte les yeux, à peine à croire tout ce qu’il voit, mais ne peut disconvenir que ce poète ne soit vraiment fou : il s’en va, en plaignant le sort de ce malheureux. Du reste, M. Barthe a trouvé le remède violent, surtout de la part d’un ami, et ne prendra vraisemblablement plus M. Solier pour le guérir de ses accès de folie.

8. — Le Joueur anglais a paru hier sous le nom de Béverley, tragédie bourgeoise imitée de l’anglais. On n’avait point fait mention sur l’affiche de M. le duc d’Orléans, quoiqu’on l’ait annoncé la veille : ce qui signifiait que ce prince, dans sa douleur, s’abstenait du spectacle, ou du moins qu’il n’y était qu’incognito, à cause de la mort du prince de Lamballe.

Ce drame a eu un très-grand succès, et le mérite. Il en est peu qui réunissent des actes aussi pleins, avec un sujet aussi simple, une marche aussi rapide et tant d’action.

Le rôle du Joueur à été fort bien exécuté par le sieur