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MAI 1768

moire de mademoiselle Le Blanc de Crouzol : le sien paraît. Au grand étonnement de tout le monde, il est plein de bon sens, de sagesse et de modération, ce qui fait présumer qu’il n’est pas de cet auteur. Il présente sa cause dans le jour le plus favorable, et ramène de son côté le public équitable. Il est signé du sieur Blanc de Verneuil, avocat.

7. — Il court une histoire aussi plaisante que vraie sur M. Barthe, poète provençal, auteur des Fausses infidélités, et plus propre, à ce qu’il paraît, à manier la plume que l’épée. Ayant eu une querelle littéraire dans une maison avec M. le marquis de Villette, la dissertation a dégénéré en injures, au point que le dernier a défié l’autre au combat, et lui a dit qu’il irait le chercher le lendemain matin à sept heures. Celui-ci, rentré chez lui et livré aux réflexions noires de la nuit et de la solitude, n’a pu tenir à ses craintes et à toutes les horreurs qu’il envisageait pour le lendemain. Il est descendu chez un nommé, Solier, médecin, homme d’esprit et facétieux, demeurant dans la même maison, rue de Richelieu, et lui a exposé ses perplexités et demandé ses conseils… « N’est-ce que cela ? je vous tirerai de ce mauvais pas. Faites seulement tout ce que je vous dirai. Denain matin, quand M. de Villette montera chez vous, donnez ordre à votre laquais de dire que vous êtes chez moi, et de me l’amener. Pendant ce temps, cachez-vous sous votre lit. » Barthe veut répliquer : « Ne craignez rien, encore un coup, et laissez-vous conduire. » Le lendemain on introduit M. de Villette chez M. Solier, sous prétexte d’y venir chercher M. Barthe. « Il n’y est point ; mais que lui veut monsieur le marquis ?… » Après les difficultés ordinaires de s’expliquer, il conte les raisons de sa