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MARS 1766

scripteurs à les faire entrer ici à leurs risques, périls et fortune. Il est à présumer cependant que le gouvernement, sans vouloir prêter son autorité à cette publication, ferme les yeux là-dessus, et que le tout se fait avec son consentement tacite.

30. — On parle beaucoup d’un Mandement de Monseigneur l’évêque de Verdun[1], concernant la mort de M. le Dauphin, où cet évêque, en traçant le portrait du prince, s’est permis des traits indiscrets qui paraissent retomber sur le roi. Ce prélat et ses amis cherchent a en retirer les exemplaires, et cette pièce devient rare.

1er Avril. — M.  de Chabanon a été voir M.  de Voltaire cet hiver, pour le consulter sur ses diverses tragédies. Un soir qu’il se trouvait en verve, rentré dans sa chambre, il écrivit les vers suivans à ce grand homme, qu’il suppose occupé de travaux métaphysiques :

J’ai volé pour vous voir des rives de la Seine ;
Et l’estime et le goût de vous m’ont approché :
Faible et timide aiglon, sous vos ailes caché,
J’attends que votre vol me dirige et m’entraîne.
Redevenez vous-même, et prenez votre essor.
RedeFaut-il que je vous voie encor
RedePour des songes métaphysiques
Ouitter l’illusion de nos jeux poétiques ?
Tous vos doutes heureux valent-ils un transport ?
L’homme est un livre obscur et difficile à lire ;
RedeOn n’en connaît pas la moitié.
Qu’est-ce que notre esprit ? On a peine à le dire :
RedeMais tel qu’il est, il fait pitié ;
ReIl est petit, faible et pusillanime
ReChez tant de sots, dignes de nos mépris :

  1. Verdun et Paris, 1766, in-4o. — R.