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AVRIL 1768

la peine, et que je n’ai fait que céder à l’empressement de quelques curieux.

« Cependant, quelque rassuré que je fusse sur cet article, j’ai été d’autant plus touché de l’effusion de cœur qui règne dans votre lettre, et des soins palernels dont vous vous occupez pour ma petite fortune, que la rage absurde et insolente de mes ennemis a déjà forgé les histoires les plus odieuses sur ce léger mécontentement que vous avez eu, et sur mon retour à Paris : on ne va pas moins qu’à dire que je vous ai pris des manuscrits pour les vendre à des libraires. Il est vrai que l’on n’articule pas encore le nom de ces libraires, ni le titre des imprimés, ni le prix que j’en avais reçu ; mais tout cela viendra bientôt. Le fond du roman est bâti, et je m’en rapporte à ces auteurs pour les embellissemens. Des impostures sont les seuls ouvrages d’imagination où je les trouve heureux ; car vous savez comme moi de quelles boutiques sortent tous ces poisons. Ce sont les mêmes qui débitaient, il y a trois ans, que j’avais composé une cinquantaine de couplets, fort gais et fort ingénieux, sur le produit des deniers royaux, les actions des fermes, et la caisse des amortissemens, le tout contre M. de L’Averdy, apparemment pour en obtenir une ordonnance sur le trésor royal. J’ai lieu de croire que ce ministre sage et bienfaisant ne m’attribue pas cette petite saillie de gaieté, puisqu’il vient de m’accorder une gratification de douze cents livres sur les fonds destinés aux gens de lettres ; mais cela n’empêche pas que, lorsque ce beau bruit se répandit, tout Paris me crut enfermé.

« Voilà les petites douceurs que j’ai essuyées de la part des gens qui n’ont pas l’âme plus douce que leur prose et leurs vers.