Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/267

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
263
AVRIL 1768

valoir la continuité des bontés d’un ami de cette trempe. Dans cette lettre, que plusieurs personnes ont lue, M. de Voltaire, en convenant du larcin de M. de La Harpe et du chagrin qu’il lui donne, termine par dire « que le public met à la chose plus d’importance qu’elle n’en mérite, et qu’il lui pardonne de tout son cœur. » Cette phrase, jointe à ce que madame Denis débite là-dessus, prouve que M. de La Harpe est réellement coupable, et que malheureusement ce qui ne serait qu’une légère infidélité ou une gentillesse, dans tout autre cas, devient une faute grave, un vice du cœur vis-à-vis d’un bienfaiteur aussi généreux ; et M. de La Harpe, bien loin d’avoir pour lui la même indulgence que M. de Voltaire, devrait pleurer amèrement une pareille offense.

19. — Un nommé Lévêque, garde-magasin des Menus-Plaisirs, a laissé une veuve fort riche. Malgré la jouissance des plaisirs de toute espèce que lui offrait ce tripot, elle s’est éprise de M. Caron de Beaumarchais, auteur d’Eugénie, plus renommé encore par ses intrigues que pour ses talens littéraires, et veuf aussi. Tous deux convolent en secondes noces ; et, quoique la femme soit encore dans le deuil, elle a déposé ses crêpes funèbres pour s’orner des atours de l’hymen le plus galant.

On assure que M. le duc d’Aumont à qui madame Lévêque a présenté son contrat de mariage à signer, comme au gentilhomme de la chambre d’année, son supérieur, lui a répondu : « Rappelez-vous, Madame, le sort de la première ; je crains bien de signer en même temps votre billet d’enterrement. »

20. — On voit dans l’Avant-Coureur du 18 la déclaration suivante de M. de Voltaire :

« J’ai appris dans ma retraite qu’on avait inséré dans la