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MÉMOIRES SECRETS

intrigues ; elle avait fini par épouser le pauvre diable, père de la demoiselle en question.

18. — Quoique M. de La Harpe ait répandu une lettre justificative, où il prétend répondre au gazetier d’Utrecht qui attribue son retour de Genève au mécontentement de M. de Voltaire, on trouve que ce jeune homme se défend très-mal des griefs qu’on lui impute. 1° Quant à l’article où son cœur se trouve si fortement attaqué par le reproche de n’avoir jamais su se concilier l’amitié de personne, il ne montre point la vivacité de toute âme honnête sur une pareille imputation ; il glisse légèrement à la faveur d’une épigramme, et c’est mettre de l’esprit où il faudrait du sentiment ; 2° il pèche contre la gratitude et la vérité, en assurant qu’il n’a point été recueilli chez M. de Voltaire. Il se serait fait plus d’honneur en ne protestant pas avec tant de délicatesse contre un mot peut-être offensant pour l’amour-propre, mais jamais pour la reconnaissance. Il ne peut nier que lui et sa femme n’aient été au moins accueillis, s’ils n’ont pas été recueillis, par ce grand homme, pendant un an ou dix-huit mois. 3° On voit qu’il élude le vrai larcin dont il est coupable, en affectant de donner le catalogue de ceux dont on ne l’accuse pas aussi formellement. C’est le second chant de la Guerre civile de Genève, de la publicité duquel M. de Voltaire se plaint, et c’est cette réclamation dont M. de La Harpe ne parle point. Enfin, il assure qu’il a toujours l’amitié de M. de Voltaire ; mais il ne dit pas si c’est par suite d’un sentiment non interrompu, ou à titre de générosité, de compassion, de pardon… Une lettre du philosophe de Ferney à son ami, M. Damilaville, va nous apprendre jusqu’où il faut apprécier celle de M. de La Harpe, et l’ostentation fastueuse avec laquelle il fait