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AVRIL 1768

l’autre avec gaieté, il y a long-temps qu’il se trouve dans ma famille de pauvres hères, dans le cas de tirer le diable par la queue. » Son Éminence déconcertée est devenue la risée générale, et a été si furieuse qu’elle à exigé de madame la gouvernante qu’elle ne reçût plus chez elle cet homme à bons mots.

16. — Il n’est plus de doute sur le fait des pâques de M. de Voltaire : on varie seulement sur les motifs, que les uns attribuent à la peur du diable, d’autres à la politique. L’acte dont il a accompagné cette cérémonie peut servir de commentaire à sa conduite. Le jour même, et sortant de la sainte table, il a prêché ses vassaux, il leur a débité tous les principes de la morale la plus pure et la plus sage ; il a apostrophé un de ses paysans, connu pour un coquin ; il l’a exhorté à se réconcilier avec Dieu, à reconnaître combien il lui était redevable, et à lui son seigneur, de n’avoir pas été pendu ; il a fini par lui dire que s’il n’avait pas encore accusé ses fautes, de le faire à son pasteur, ou à lui. Ce dernier mot ayant gâté tout le reste, a fait dégénérer en farce ce spectacle vraiment édifiant pour les dévots. Les deux lettres dont on a parlé sont également vraies, et celle à madame Du deffand donne encore mieux la clef de cette étrange conduite.

17. — M. le marquis de Ximenès, fort connu dans la république des lettres, comme auteur et comme protecteur, est sur le point de se marier avec la fille d’un nommé Jourdan, dont on a quelques romans et autres ouvrages peu connus. Son peu de fortune et sa très-mince réputation donnent à cet hymen un air de désintéressement, qui fait beaucoup d’honneur à M. de Ximenès. La mère était une madame Duhalley, fort renommée autrefois par sa beauté, son esprit, sa galanterie et ses