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MÉMOIRES SECRETS

stant qu’il est arrivé de Ferney ici, en même temps, deux lettres de ce grand homme, qui s’expliquent tout différemment là-dessus. Dans la première, écrite à M. le duc de Choiseul, M. de Voltaire renouvelle et perpétue les désaveux si souvent faits de toutes les productions clandestines qu’on lui attribue ; elle contient une espèce de profession de foi, et il y déclare que, pour preuve de la vérité de ses sentimens, il a profité de sa solitude et des bonnes instructions du père Adam, pour faire un retour vers Dieu et se présenter à la sainte table. Dans l’autre, à madame la marquise Du deffand, il se plaint du public peu reconnaissant ; il se désespère de voir que, malgré le sacrifice qu’il lui a fait de sa santé et de sa liberté, en consacrant sa vie à ses plaisirs et à son amusement, il soit assez injuste pour adopter légèrement tous les bruits que ses ennemis font courir sur son compte, et qu’en dernier lieu, il apprend que, pour comble de ridicule, on débite et l’on croit à Paris qu’il s’est confessé et a fait ses pâques. Il finit par ajouter qu’il n’est ni assez hypocrite pour se prêter à des actions aussi contraires à sa façon de penser, ni assez imbécile pour donner de bonne foi dans de pareilles puérilités. Toutes ces inconséquences sont dans le caractère de M. de Voltaire, et n’étonnent point ceux qui le connaissent.

15. — M. le cardinal de Luynes se trouvant ces jours-ci chez madame la duchesse de Chevreuse, M. de Conflans plaisanta Son Éminence sur ce qu’elle se faisait porter la queue par un chevalier de Saint-Louis. Le prélat répliqua que c’était un usage ; qu’il en avait toujours un pour gentilhomme caudataire ; « et le prédécesseur de celui-ci, qui plus est, ajouta-t-il, portait le nom et les armes de Conflans. — Il y a long-temps en effet, répliqua