Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
MÉMOIRES SECRETS

qu’on suppose écrite de Goa, et dans d’autres écrits clandestins. Ils désavouent en même temps les violences exercées contre M.  Rousseau, les regardant comme tout-à-fait contraires à l’esprit de la religion et au vrai zèle, toujours unis à la plus tendre et à la plus vive charité.

27. — M. Thomas a cru, dans les circonstances présentes, devoir élever aussi la voix. Par son Éloge de Louis, Dauphin de France[1], il prétend moins avoir voulu honorer la cendre du mort, que donner des leçons à ses successeurs ; grande et sublime entreprise, très-mal soutenue dans cet ouvrage, où règne presque partout un ton dogmatique et pédantesque. Il y a accumulé les métaphores outrées, les hyperboles gigantesques, les figures extravagantes ; en un mot, c’est un travail pénible de lire de suite un pareil Éloge. Il faut pourtant rendre justice à l’orateur : il y a un morceau très-bien fait et très-touchant ; c’est celui de la mort. Il est de la plus grande beauté, parce qu’on n’y reconnaît en rien le rhéteur ; c’est un choix heureux de tous les faits, de toutes les circonstances propres à rendre ce moment intéressant, revêtus du style le plus simple et le plus vrai. En cet endroit M.  Thomas est supérieur à tous ceux qui ont traité le même sujet ; il règne, en général, dans son ouvrage un défaut très-grand, c’est que par la manière dont le sujet est traité, l’éloge de M.  le Dauphin est une satire perpétuelle de la conduite du roi.

29. — L’Encyclopédie paraît enfin tout entière ; il y a dix nouveaux volumes. Par un arrangement assez bizarre, le libraire les a fait venir de Hollande, aux environs de Paris, où ils sont imprimés ; et c’est aux sou-

  1. Paris, 1766. in-8o, Voltaire a fait un Petit Commentaire sur cet Éloge.