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MARS 1768

mains de personnes peu économes. Dans cet embarras, M. de Voltaire, qui se trouvait un riche malaisé, a voulu, pour se débarrasser tout de suite de ses créanciers et se mettre au niveau, vendre sa terre de Ferney, comme d’une défaite plus facile, ou comme celle dont la vente rendrait davantage, il a fallu le consentement de madame Denis, sous le nom de laquelle elle était acheté, et cette nièce l’a refusé opiniâtrement. Inde iræ[1] !

— Longchamps, cette promenade fort en vogue dans les jours de la semaine sainte, a commencé à s’ouvrir hier avec toute l’affluence que promettait la beauté du jour. Les princes, les grands du royaume, s’y sont rendus dans les équipages les plus lestes et les plus magnifiques ; les filles y ont brillé à leur ordinaire ; mais mademoiselle Guimard, la belle damnée, comme l’appelle M. Marmontel dans son Épître[2] peu catholique, a attiré tous à attiré tous les regards par un char d’une élégance exquise, très-digne de contenir les grâces de la moderne Terpsichore. Ce qui a surtout fixé l’attention du public, ce sont les armes parlantes qu’a adoptées cette courtisane célèbre : au milieu de l’écusson se voit un marc d’or, d’où sort un guy de chêne. Les Grâces servent de supports, et les Amours couronnent le cartouche. Tout est ingénieux dans cet emblème.

Ier Avril. — Il court une lettre de M. de La Harpe, justificative de sa conduite envers M. de Voltaire ; on dit qu’elle doit être insérée dans les journaux. La voici :

  1. Il n’y a rien de vrai dans cet article, sinon que M. de Voltaire chassa Madame Denis. Il ne se servit, dans le public, du prétexte du dérangement de sa fortune, que pour sauver encore l’honneur de sa nièce. — W.
  2. V. 6 février 1768, — R.