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MÉMOIRES SECRETS

les divers lambeaux que le premier récitait à l’autre, du deuxième chant du poëme de la Guerre civile de Genève et de les avoir fait paraître sans son aveu ; d’autant qu’il y a une tirade contre M. Tronchin, que l’auteur n’eût pas voulu rendre publique. Tel est le fait, comme le raconte madame Denis[1].

28. — Mademoiselle Heinel, célèbre danseuse de Stuttgard, dont on a prôné les succès prodigieux à l’Opéra, où elle a débuté depuis peu, vient d’opérer une merveille plus grande encore : ses charmes ont séduit M. le comte de Lanraguais, au point de lui faire oublier ceux de mademoiselle Arnould. Il a donné trente mille livres pour présent de noces à l’Allemande, vingt mille à un frère qu’elle aime beaucoup, un ameublement exquis, un carrosse, etc. On compte que la première coûte cent mille livres à ce magnifique seigneur. Mademoiselle Heinel ne s’était jugée modestement qu’à quatorze mille livres.

30. — Il paraît très-constant que madame Denis est a Paris pour y rester ; que sa séparation d’avec son oncle, M. de Voltaire, est une suite de querelles domestiques qui ne leur permettent plus de vivre ensemble. Les dépenses considérables que M. de Voltaire a faites aux Délices et dans ses châteaux de Tournay et de Ferney, ont fort dérangé les affaires de ce grand homme, qui n’a pas assez compté avec lui-même. Il se trouve aujourd’hui fort en avance sur ses revenus, dont la plupart ne sont pas liquidés ; ce qui l’a forcé à une réforme de maison, dont l’entretien était très-cher, et surtout entre les

  1. M. de La Harpe avait pris à M. de Voltaire non-seulement deux chants de la Guerre civile de Genève, mais encore les Mémoires sur le roi de Prusse et d’autres manuscrits. — W.