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MARS 1768

mérite poétique, va être consignée ici comme pouvant servir à l’histoire et faire anecdote.


Épître à M. Le président Ogier,
Sur sa mission en Bretagne,

Pour les fanges de la Vilaine
Quitter les trésors de la Seine,
Cher Ogier, quel aveuglement !
Tu veux passer bien saintement
La rigoureuse quarantaine.
Reçois mes adieux : Carnaval
Est trop bien ici pour te suivre
Dans un pays où tout va mal,
Où pas un homme ne s’enivre,
Nulle femme ne songe au bal.
Long-temps j’en ai fait mes délices ;
Mais depuis un lustre je vois
Qu’on ne parle à ces bons Gaulois
Que de dragons et de supplices :
Que pour les réduire aux abois,
De par le plus juste des rois,
On a fait cent mille injustices
Et violé quarante lois.
Malheureux ! la cour les abhorre
Et les hait : c’est là le bon ton.
Que vas-tu faire en ce canton ?
Tu brûles d’être utile encore
À notre bien-aimé Bourbon ;
Tu veux que son peuple breton
Plus que jamais l’aime et l’adore,
Et ne tremble plus à son nom.
Quoi donc ! oserais-tu lui dire
Qu’en dépit de leurs ennemis,
Les Bretons sont les plus soumis,
Les plus zélés de son empire ?
Je te crois un peu trop prudent :