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MÉMOIRES SECRETS

seul peut éclaircir. On débite aussi que M. de Voltaire va à Stuttgard, chez le duc de Wurtemberg, répéter des sommes considérables qui lui sont dues. D’autres donnent à ce voyage un motif plus important et plus fâcheux. Ils disent que M. de La Harpe, accueilli par M. de Voltaire avec tant de bonté, a eu l’ingratitude de lui voler des manuscrits, où il s’explique, avec toute la liberté qu’on se permet dans le silence du cabinet, sur le Gouvernement de France, les ministres et le roi même ; que, dans la crainte que cette publicité ne lui attire des ennemis redoutables et de fâcheuses affaires, il avait cru devoir prévenir la poursuite de sa personne en se retirant chez l’étranger.

9. — Mademoiselle Heinel, danseuse de Stuttgard, élève du sieur L’Épi, élève lui-même du sieur Vestris, est à Paris, et a débuté à l’Opéra le 26 du mois dernier. Sa manière noble, majestueuse, et accompagnée des grâces sévères de la haute danse, attire tout Paris. On croit voir Vestris danser en femme. La structure un peu colossale de cette Allemande et les grands traits de sa figure ne plaisent pas également à tout le monde.

10. — Relation de la mort du chevalier de La Barre, par M. Cassen, avocat aux conseils du roi, à M. le marquis de Beccaria. Toute cette histoire tragique est contée de manière à inspirer l’horreur la plus forte contre les auteurs du jugement dont il y est question. Il faut se rappeler que ce malheureux jeune homme a été condamné à la mort pour quelques impiétés dont, on l’accusait, qui ne paraissent pas bien prouvées, qui pouvaient s’attribuer à un excès d’intempérance, et qui d’ailleurs ne faisaient aucun tort direct à la société.

11. — L’épître suivante, peu recherchée pour son