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FÉVRIER 1768

eu beaucoup de peine a s’échapper, roué, moulu de coups, maudissant sa gloire, et sentant combien une grande réputation est à charge.

5. — Il s’est répandu depuis quelque temps un livre sur l’origine et la propriété des biens ecclésiastiques[1]. On l’attribue à M. le marquis de Puységur, lieutenant-général des armées du roi. Il a fait grand bruit par la nouveauté des systèmes de l’auteur. Il y prétend spécialement que les biens ecclésiastiques ne sont autre chose que des usurpations sur la noblesse ; que c’est mal à propos que le clergé s’intitule le premier ordre de l’État, puisqu’il n’est point un ordre distinct et ne peut l’être, Ces assertions hardies dans ce siècle des paradoxes, ont effrayé le clergé, qui est en mouvement pour faire arrêter et supprimer le livre.

6. — Il se répand une Épître de M. Marmontel à mademoiselle Guimard, trop longue pour être transcrite ici. C’est à l’occasion de l’aumône dont on a parlé[2]. Le poète, qui l’appelle jeune et belle damnée, étale dans cette plaisanterie une gaieté pédantesque. On voit qu’il cherche à faire contre fortune bon cœur. Elle ne cadre nullement avec la componction qu’il devrait avoir, et ne sent point le pénitent gémissant sous les censures ecclésiastiques.

À propos de mademoiselle Guimard, on a oublié de dire que M. de La Borde, le valet de chambre ordinaire du roi, ne contribue pas peu à soutenir le luxe de cette actrice. M. le maréchal prince de Soubise est l’amant honoraire ; le second est l’amant utile, mais modeste,

  1. Discussion intéressante sur la prétention du clergé d’être le premier ordre d’un État. La Haye (Paris), 1767, in-12. — R.
  2. V. 24 janvier 1768. — R.