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FÉVRIER 1768

Ier Février. — Épigramme de M. Marmontel contre M. Piron[1].


Le vieil auteur du cantique à Priape,
Humilié, s’en allait à la Trappe,
Pleurant le mal qu’il avait fait jadis.
Mais son curé lui dit ; « Bon Métromane,
C’est bien assez d’un plat De profundis.
Rassurez-vous : le Seigneur ne condamne
Que les vers doux, faciles, arrondis ;
Ce qui séduit, voilà ce qui nous damne :
Les rimeurs durs vont tous en paradis. »

— Avant hier on a brûlé au pied du grand escalier un livre intitulé : Histoire impartiale des Jésuites, depuis leur établissement jusqu’à leur première expulsion. L’arrêt du Parlement, rendu le 29 janvier et publié aujourd’hui, le condamne comme contenant des maximes dangereuses, des principes erronés et une déclamation indécente contre tous les ordres monastiques. Ce livre est de M. Linguet, auteur de la Théorie des lois civiles.

— On a publié hier au prône le Mandement de M. l’archevêque de Paris, portant condamnation d’un livre qui a pour titre : Bélisaire, par M. Marmontel, de l’Aca-

  1. En réponse à celle qu’on a vue au 4 octobre 1767, Piron répliqua par celle-ci :

    Vieil apprentif, soyez mieux avisé
    Une autre fois, et nous crîrons merveille :
    Tirez plus droit où vous aurez visé,
    Sinon aurez du sifflet par l’oreille.
    Ô le plus grand de tous les étourdis !
    Vit-on jamais balourdise pareille !
    En séparant les élus des maudits,
    Vous envoyez, par des raisons palpables,
    Votre ennemi Piron en paradis,
    Et votre ami Voltaire à tous les diables.

    — R.