Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
231
JANVIER 1767

la tranquillité d’âme, qu’il a conservée jusqu’au dernier instant.

24. — On parle beaucoup d’une belle action de mademoiselle Guimard, la première danseuse de l’Opéra. Cette actrice, très-célèbre par ses talens, ayant eu un rendez-vous, dans un faubourg isolé, avec un homme dont la robe exigeait le plus grand mystère, a eu occasion d’y voir la misère, la douleur et le désespoir répandus dans le peuple de ce canton, à l’occasion des froids excessifs. Ses entrailles ont été émues d’un pareil spectacle, et des deux mille écus, fruit de son iniquité, elle en a distribué elle-même une partie, et porté le surplus au curé de Saint-Roch pour le même usage. On sera peut-être surpris qu’il y ait un homme assez fou pour payer aussi cher une semblable entrevue. On le sera moins quand on saura que mademoiselle Guimard est entretenue, par M. le maréchal prince de Soubise, dans le luxe le plus élégant et le plus incroyable. La maison de la célèbre Deschamps, ses ameublemens, ses équipages, n’approchent en rien de la somptuosité de la moderne Terpsichore. Elle a trois soupers par semaine : l’un composé des seigneurs de la cour et de toutes sortes de gens de considération ; l’autre, d’auteurs, d’artistes, de savans, qui viennent amuser cette Muse, rivale de madame Geoffrin en cette partie. Enfin un troisième, véritable orgie, où sont invitées les filles les plus séduisantes, les plus lascives, et où la luxure et la débauche sont portées à leur comble.

25. — Les Comédiens Français ont donné aujourd’hui la première représentation des Fausses Infidélités, comedie en un acte et en vers de M. Barthe. On ne s’attendait pas que le froid auteur de la pièce exciterai la