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DÉCEMBRE 1767

naissent madame la princesse de Talmont assurent quelle est d’une gaieté à se permettre pareille malice.

22. — Un anonyme vient de s’attacher à la critique particulière du quinzième chapitre de Bélisaire, sous le litre de Lettre à M. Marmontel par un déiste converti[1]. L’auteur, qui entre en lice, discute dialectiquement toutes les propositions qu’il regarde comme répréhensibles, et finit par dire qu’il faut que M. Marmontel ait bien du temps à perdre pour s’être amusé a faire un écrit plein de contradictions, de sophisme et d’impiétés. Cette brochure peut se mettre encore au rang des Honnêtetés théologiques.

23. — Il court de temps en temps ici de petites historiettes, dont les oisifs s’emparent avec avidité ; elles servent d’aliment aux conversations ; chacun se les transmet avec plus ou moins de grâces ; mais à force d’être répétées et ressassées, elles acquièrent un air de vérité, et se perpétuent jusqu’à ce qu’il succède quelque chose de nouveau. L’aventure du capucin de Meudon peut être mise au rang de ces contes frivoles, quoique bien des gens l’attestent.

Ce capucin était un frère quêteur qui revenait dans son couvent avec ce qu’il avait de poisson pris. Un voleur l’arrête et lui demande, le pistolet sous la gorge, la bourse ou la vie. Le moine fait ses représentations, lui déclare que c’est tirer la poudre aux moineaux, qu’un homme de sa robe n’a pas grand’chose à donner : l’autre insiste, lui fait vider ses poches, ses goussets, ses aisselles, sa tirelire, forme une capture de trente-six livres, et s’en va. Le moine le rappelle, et lui dit : « Monsieur, vous me paraissez mettre bien de l’humanité dans votre prof-

  1. Paris, 1767, in-12 de 77 pages, signé L.S. — R.