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DÉCEMBRE 1767

et désigné ambassadeur en Portugal, est un grand amateur de musique, et est musicien lui-même, mais défenseur de la musique française, à l’exclusion de toute autre. À l’occasion du nouvel opéra, il a rompu différentes lances, entre autres contre M. le chevalier de Chastellux, partisan décidé de la musique italienne. M. Poinsinet, qui voudrait s’identifier mal à propos avec Philidor, quoique le public en fasse une grande différence, a trouvé mauvais que M. le chevalier de Clermont se déchaînât partout contre Ernelinde. Sa bile s’est exaltée, et il a fait une tirade de vers injurieux contre ce seigneur ; il a eu la hardiesse de les avouer et d’en donner des copies. Le détracteur de la musique italienne n’a fait que rire de cette espèce de satire ; il l’a fait copier lui-même et l’a envoyée à tous ses amis. Cette querelle musicale a fait du bruit. Le magistrat de la police en a été instruit, et l’on était sur le point de sévir contre M. Poinsinet et de le mettre au Fort-l’Évêque, lorsque M. le chevalier de Clermont est allé demander grâce pour ce poète. Il a fait entendre à M. de Sartine qu’un pareil éclat ferait plus de tort à un ambassadeur de Portugal qu’à un malheureux satirique ; que M. Poinsinet était à l’abri de tout ridicule ; mais que c’en serait un pour lui, chevalier de Clermont, qu’il souhaitait qu’on lui épargnât. En conséquence M. de Sartine s’est contenté de mander le sieur Poinsinet, et de le réprimander en pleine audience.

20. — Il s’est formé à Paris une nouvelle secte appelée les Économistes : ce sont des philosophes politiques, qui ont écrit sur les matières agraires ou l’administration intérieure. Ils se sont réunis et prétendent faire un corps de système qui doit renverser tous les principes reçus en fait