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MÉMOIRES SECRETS

sait que le grand Bossuet avait un secret penchant. En conséquence le clergé s’est échauffé ; on a mis M. l’archevêque en jeu ; il est allé chez M. le lieutenant-général de police, il l’a prié de suspendre l’impression de cet ouvrage. Le magistrat s’y est refusé, en disant que cela ne dépendait pas de lui ; M. l’archevêque a insisté, il a témoigné ses inquiétudes sur les interpolations qu’on pouvait y glisser. M. de Sartine, pour le rassurer, a nommé un nouveau censeur, le syndic Riballier. Celui-ci doit suivre l’édition avec le plus grand soin, et ne rien laisser passer qui ne soit reconnu pour être de l’auteur. Au moyen de la nomination de cet examinateur, peu agréable à M. l’archevêque, sa précaution devient nulle, et l’on ne doute pas que l’ouvrage ne contienne bien des choses qui lui déplairont et à ceux de son parti.

10. — Le 4 décembre il y a eu en Sorbonne un grand débat sur la nouvelle censure de Bélisaire. Il faut savoir l’anecdote qui y a donné lieu. On a dit que cette censure préparée, rédigée, arrêtée par la Faculté de Théologie, suivant la conclusion portée le 26 juin 1767, avait déplu au ministère, par quelques propositions concernant la nécessité de l’Intolérance civile, sur laquelle M. l’archevêque et ce corps devaient appuyer de concert, et caver au plus fort en proscrivant le livre en question. L’ouvrage était resté suspendu pour la publicité. Le Gouvernement a imaginé de mander les gens du roi et de leur proposer de corriger ce qui blessait sur l’article en question. Les corrections ont été faites ; on a exigé du syndic Riballier, homme dévoué à la cour, de les faire passer. Celui-ci a gagné les commissaires, au point que, de quinze, un seul a réclamé contre les nouveaux sentimens qu’on prêtait à la Faculté, et il était décidé que la censure pa-