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SEPTEMBRE 1767

amant à la quitter, et craignant les suites de cet attachement, elle a pris le parti de s’éclipser. Elle est partie, sans qu’on sache où elle est ; et le prince de Lamballe est dans la désolation.

27. — On ne parle aujourd’hui que des fêtes de Chanteloup, qui ont répondu à la magnificence du maître. La veille du départ, le duc de Choiseul donna à madame la duchesse de Villeroi et à une cour très-nombreuse, une fête où Préville, mandé exprès de Paris, joua dans une comédie de sa façon, intitulée la Dispute des Comédiens. Après le drame, on chanta plusieurs vaudevilles relatifs au camp de Compiègne, et l’on exécuta enfin un opéra comique nouveau.

28. — Il court une lettre adressée à M. Poinsinet par une demoiselle Le Clerc, une des impures de Paris, très-renommée, et qui par-là fait sensation. La voici :

Paris, Le 29 août 1767

« Vous avez raison, mon cher maître : malheur aux jolies femmes qui établissent leur réputation sur leurs charmes ; elle est fragile comme eux. Heureuses celles que la nature a douées de quelques talens. Je suis bien résolue à faire valoir les miens, et à mériter une gloire que je ne dois jusqu’à présent qu’à des attraits passables. J’ai plaisir à croire qu’une grande actrice doit aller à l’immortalité, et que la sublime Clairon fera l’entretien des races futures comme le prodigieux Voltaire. Je compte donc travailler sérieusement à entrer au spectacle cet hiver. Je me suis dégrossie l’hiver dernier chez madame la duchesse de Villeroi. Je me suis exercée depuis, et je profiterai de mes protections pour débuter aux Français le plus tôt possible. C’est à vous, mon cher