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AOUT 1767

publiques, dans les gazettes, dans le Mercure ; le vôtre ne le sera pour la première et dernière fois que dans votre billet d’enterrement. Et ne me parlez pas de mœurs ; vous autres honnêtes femmes, faites souvent sonner bien haut un état qui les suppose, pour en pouvoir manquer plus à votre aise ; vous nous les décidez dépravées, au contraire, afin d’autoriser une différence plus extérieure que réelle. Au reste, mademoiselle Doligny, à la Comédie Française, nous venge bien : trouvez, si vous pouvez, dans toute votre bourgeoisie, une vertu plus éprouvée, plus nette, plus reconnue. Reste ce malheureux préjugé d’infamie ; qui dit préjugé a déjà répondu. Bien plus, il est détruit chez les grands et chez les philosophes. Il est encore enraciné dans le peuple ; peu nous importe, nous ne frayons point avec lui. En un mot, trouvons-nous toutes deux à Villers-Cotterets ou au Palais-Royal, vous reconnaîtrez la différence qu’un prince fait de la femme de son architecte à une actrice dont les talens ont le bonheur de lui plaire et de l’amuser. Je vous laisse sur ce paralèlle, et me retranche derrière le mur de séparation que vous avez prétendu élever entre nous. Adieu, ma chère sœur ; n’ayons plus rien de commun, puisque vous le voulez ; mais, malgré vos mauvais procédés, vous ne sortirez point de mon cœur, et c’est peut-être le premier moment où je m’aperçoive qu’il est trop tendre. Adieu. »

16. — Mademoiselle Allard s’est attiré, depuis peu, les hommages d’un seigneur allemand fort riche. La lubricité de la dame a fait tourner la tête à cet amoureux, au point qu’il a offert, par écrit, à l’actrice de l’épouser. Sur son refus réitéré, il a écrit une lettre dernière, où il lui témoigne ses regrets et sa honte ; il lui déclare qu’il ne voit d’autre parti à prendre que de se brûler la cer-