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MÉMOIRES SECRETS

suivi sa destinée. Depuis ce temps madame Content n’a cessé de mettre en œuvre tous les moyens possibles de susciter des dégoûts et des tracasseries à sa sœur. Enfin, mademoiselle Danguy, excédée, a pris le parti d’écrire à sa sœur la lettre suivante, qui couvre celle-ci de ridicule.

Paris, le 25 juillet 1767,

« Cessez, ma chère sœur, vos poursuites auprès de mes supérieurs pour m’arracher au théâtre. Je n’ai embrassé cet état qu’avec réflexion, et sur votre refus persévérant de me fournir les secours dont j’avais besoin pour en prendre un autre. Si vous vous étiez souvenue alors que vous étiez ma sœur, vous ne rougiriez pas de l’être aujourd’hui ; si votre amour-propre souffre, c’est à la dureté de votre cœur qu’il faut vous en prendre. Je suis pourtant encore assez bonne pour venir à votre secours et consoler votre orgueil humilié. Sachez qu’il n’y a pas une si grande différence de vous à moi. Nous sommes toutes deux filles d’un homme à talent ; vous avez enfoui les vôtres, je fais valoir les miens. Vous vous reposez sur ceux de votre mari ; vous ignorez que c’est un architecte médiocre, qui gagnera plus d’argent que de réputation ; moi je crée la mienne et cherche à perpétuer un nom connu dans la musique.

« Le public a daigné applaudir à mes premiers essais ; il me soutient, il n’encourage ; et peut-être mériterai-je un jour les éloges qu’il m’accorde aujourd’hui par indulgence. Vous ne serez jamais qu’une bourgeoise bien cossue, bien étoffée, bien ennuyée dans le cercle étroit de vos coteries obscures : une actrice célèbre roule dans une sphère brillante, qui s’étend à mesure que ses talens se développent. Mon nom sera imprimé dans les nouvelles