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MÉMOIRES SECRETS

On a ensuite exécuté l’acte de Vertumne et Pomone, qui doit faire partie des Fragmens que les nouveaux directeurs se proposent de donner à l’Opéra. Les principaux acteurs étaient Le Gros et mademoiselle Rosalie. La grossesse de madame Beaumesnil ne lui a pas permis de se charger du rôle.

L’opéra comique qui a succédé était intitulé le Bouquet, pièce toute nouvelle, mêlée d’ariettes, dont Audinot est le prête-nom, mais de plusieurs auteurs en société. La musique, très-agréable, est aussi un mélange de différens compositeurs. Audinot y a joué, ainsi que Clairval, mademoiselle Mandeville ; et mademoiselle Dubrieulle, quoique de l’Opéra, n’a point cru dégrader la noblesse de son état en se mêlant avec des acteurs d’un spectacle du second ordre. Ce qui a enchanté et ravi dans ce drame, est la fille d’Audinot, âgée de six ans. Elle a déclamé, elle a chanté, touché du clavecin, dansé un menuet et des entrées, et a reçu des applaudissemens dans tous ces genres. C’est un prodige de la nature, encore plus que de l’art.

M. Poinsinet a donné un plat de sa façon, auquel on ne s’attendait pas : c’est une parade la plus parfaite, c’est-à-dire la plus obscène et la plus ordurière ; elle a pour titre l’Ogre. C’est, en effet, un ogre qui, pour se ragoûter, demande à son confident de la chair fraîche. Il lui faut une fille de quinze ans. Bellecour faisait l’ogre, Auger le confident, et madame Bellecour était la chair fraîche ; on peut juger du reste. Pour purifier ces scènes dégoûtantes, il n’a fallu rien moins que tout le feu du ciel, concentré dans un feu d’artifice très-chaud, très-rapide, terminé par une illumination charmante, qu’a remplacée le jour, auquel tout le monde s’est retiré.