Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
JUILLET 1767

mon cœur. Je ne répondrai donc, Monsieur, ni aux reproches que vous me faites au nom d’autrui, ni aux louanges que vous me donnez de vous-même. Les uns ne sont pas plus mérités que les autres. Je ne vous rendrai rien de pareil, tant parce que je ne vous connais pas, que parce que j’aime à être simple et vrai en toutes choses. Vous vous dites chirurgien : si vous m’eussiez parlé de botanique et des plantes que produit votre contrée, vous m’auriez fait plaisir, et j’en aurais pu causer avec vous ; mais pour de mes livres, et de toute autre espèce de livres, vous m’en parleriez inutilement, parce que je ne prends plus d’intérêt à tout cela. Je ne vous réponds point en latin par la raison ci-devant énoncée. Il ne me reste de cette langue qu’autant qu’il en faut pour entendre les phrases de Linnæus. Recevez, Monsieur, mes très-humbles salutations. »

9. — J. -J. Rousseau n’a fait que passer à l’Ile-Adam ; il est allé ensuite quelques jours à Fleury chez M. de Mirabeau, l’auteur de l’Ami des hommes, où il est resté avec beaucoup de mystère : il est actuellement en Auvergne[1], dans le château d’un homme de qualité, qui a bien voulu l’y accueillir et y ensevelir le délire et la misère de ce philosophe humilié.

11. — On annonce la Défense de mon oncle, nouvelle brochure de M. de Voltaire. Il y fait parler le neveu de l’abbé Bazin. On sait que la Philosophie de l’histoire a été publiée sous le nom de ce dernier, personnage chimérique qui n’a jamais existé, et c’est ce livre qu’on veut défendre. On dit le mémoire très-plaisant. Mais, malgré les prétentions de M. de Voltaire à rire et à faire rire, les gens sensés ne voient plus en lui qu’un malade

  1. À Trye-le-Château, propriété du prince de Conti. — R.