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MÉMOIRES SECRETS

mières personnes qu’il a vues à Paris sont d’Alembert et moi. »

18. — On parle du mariage de M. Sédaine, qui offre des circonstances très-romanesques. Il a épousé la fille d’un avocat au Conseil. Cet avocat est mort, et la mère n’ayant jamais voulu consentir à l’hymen projeté, l’amante a fait des sommations respectueuses. Mais le plus héroïque, c’est la façon dont elle a résisté aux offres séduisantes d’une ancienne inclination du poète maçon[1]. Cette femme se nommait madame Le Comte, espèce de bel-esprit femelle avec qui vivait M. Sédaine. Celui-ci lui ayant déclaré son projet, madame Le Comte pleure, sanglote, jure quelle en mourra. L’amoureux ne tient compte de ces menaces. Elle se retourne du côté de la demoiselle, va la trouver et lui demande en grâce de différer d’un an : elle lui offre cinquante mille livres, si elle se rend à sa proposition. La jeune personne refuse, et le mariage s’est fait. Madame Le Comte en est morte de chagrin peu de temps après.

20. — On annonce Hirza, ou les Illinois, tragédie en cinq actes de M. de Sauvigny. L’auteur réclame d’avance un plagiat dont il accuse M. de Voltaire. Il prétend que lui, Sauvigny, avait donné sa pièce à examiner au sieur Le Kain, au carême de 1766 ; que cet acteur la porta avec lui, dans la vacance de Pâques, chez M. de Voltaire, qu’il alla voir ; qu’en ayant parlé à ce grand poète, et lui avant témoigné le regret qu’il n’eût pas traité un pareil sujet, il excita sa curiosité ; que M. de Voltaire demanda à voir le manuscrit ; qu’il dépeça bien vîte cette composition, et fabriqua en peu de temps les Scythes ; qu’il a

  1. Sédaine avait été maître maçon. — R.