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MÉMOIRES SECRETS

fois, il est résolu de ne plus la mettre en pratique, à moins qu’il n’ait, comme vous, le bonheur d’être à cent lieues des représentans. Incontinent après avoir fait nos commentaires, nous avons convoqué, mon fils et moi, les négatifs[1], au cercle des Trois rois, et nous leur avons fait lecture de votre lettre. Ils en ont été enchantés. Mais pour les représentans, le même délire, dont la fin doit être la misère et puis le désespoir, comme vous le dites si bien, et le délire orgueilleux qui fera périr ma pauvre patrie, ce délie opiniâtre enfin, qui leur fait déserter mes sermons, leur a fait désapprouver votre épître. Ce qui me désole, c’est qu’ils s’en moquent : l’un dit qu’elle n’est pas en français, qu’on ne dit pas porter des plaies, mais faire des plaies ; l’autre dit que vous vous êtes belousé lorsque vous avez dit que le roi jouait le rôle de père, que votre intention était sûrement d’exalter sa bonté ; et que cette expression, le roi n’en démordra pas, est tout aussi défectueuse ; un autre dit que les grandes phrases dont est remplie votre lettre indiquent une extrême disette d’idées ; un autre, qu’elles ressemblent à des lambeaux de faux galons appliqués sur de la futaine ; un autre, qu’elles sont pillées. Pour cela je ne puis plus y tenir, et je tape des pieds, en leur disant : « Hem ! ne voyez-vous pas bien que l’auteur de cette lettre est un homme que le travail rendait ivre ; et puis, croyez‑vous que M.  Tronchin fût capable de piller les ouvrages d’autrui ? Cela est bon une fois. » Au reste, mon cher Monsieur et mon ami, M.  Perdriau de la Rochelle la publiera à Saint‑Gervais, après avoir publié les annonces et disposé nos

  1. Les Négatifs étaient ceux qui refusaient au Magnifique Conseil de Genève le droit de mettre au néant les représentations du Conseil des Deux Cents. — R.