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MÉMOIRES SECRETS

patrie. Les extrêmes se touchent : ils étaient trop heureux. La démarche qu’ils ont faite vis-à-vis M.  le résident[1], a paru ici un persiflage. J’ai reçu de M.  Vernet une lettre qui lui ressemble fort ; aussi ne lui ai-je pas répondu. C’est se moquer que de parler de dévouement et de respect, quand on manque si solennellement au respect et au dévouement qu’on doit à un monarque qui joue le rôle de père, et qui n’a cessé de faire ressentir les effets de sa bienveillance et de sa protection, L’orgueil ira toujours devant l’écrasement, de quelque manière qu’il se masque ; vous le voyez, mon cher Monsieur, sous bien des formes. Ils feront périr ma pauvre patrie ; car, quand l’orgueilleux délire du jour finirait, à moins qu’il ne finisse incessamment, les plaies qu’il a déjà portées à la prospérité et au commerce, laisseront après elles des cicatrices profondes. Oue sera-ce si, par un abandon du ciel, ces plaies subsistaient encore plusieurs mois ! Le commerce et la prospérité, semblables aux rivières qui changent de lit, n’y rentrent point. La fin du délire et la misère entraînent ordinairement le désespoir après elles. Les auteurs de tant de maux en seront les victimes. Le roi n’en démordra pas, je le tiens de sa bouche. Tout ce que je prévois brise jour et nuit mon âme. Je ne goûte pas un moment de repos, car j’aime avec passion ma patrie. Dites ceci à qui voudra l’entendre : au moins n’aurai‑je rien à me reprocher. Souvenez‑vous souvent, mon cher Monsieur, que je vous l’ai dit ; je vous appellerai en témoignage. En attendant je ferai des vœux, et je gémirai en silence. »

18. — On parle beaucoup d’une cassette, précieuse pour les papiers qu’elle contient, laissée par M.  le Dau-

  1. Heinning. — R.